Se rétablir après un accouchement traumatisant

Beverley Lawrence Beech

AIMS (Association for Improvements in the Maternity Services) (_AIMS) Journal, Vol. 19, No. 1, 2007, page 25

(Traduction de : Recovering from a traumatic birth)


Une des premières réactions de femmes qui ont subi un accouchement traumatisant est : « Pourquoi est-ce arrivé à moi ? », « Pourquoi n'ai-je pas pu accoucher sans toutes ces interventions ? », « J'ai vécu quelque chose d'horrible, tout cela par ma faute »... Souvent, les professionnels impliqués en rajoutent en disant à la femme que son col n'était pas efficace, ou qu'elle « n'a pas réussi à progresser », ou encore, ce qu'il y a de plus insultant : qu'elle « avait des attentes irréalistes ». Autrement dit, ce qui est arrivé est de la faute de la mère, elle devrait être reconnaissante d'avoir un bébé en bonne santé et elle devrait arrêter de se plaindre.

Ce numéro (du Journal de l'_AIMS) expose les différents comportements des femmes vis-à-vis de leurs accouchements traumatisants, mais quelques-unes d'entre elles réalisent que la raison pour laquelle elles sont passées par là était une conséquence directe de la gestion hypermédicalisée de leur accouchement et des la manière dont elles ont été traitées par l'équipe.

Certaines femmes sentent qu'elles n'arriveront pas à guérir entièrement à moins de comprendre pleinement ce qui leur est arrivé, et certaines veulent aussi faire quelque chose pour que cela n'arrive jamais à une autre femme. C'est pourquoi elles décident de déposer une réclamation.

Les obstacles placés devant elles sont considérables : un système de réclamations emberlificoté, une pléthore d'organisations veillant à ce que la réclamation n'aille jamais plus loin. Souvent, les femmes reçoivent des simulacres d'excuses, avec des signatures pré-imprimées, et le ton général de la réponse est souvent défensif, quand ce n'est pas intimidant. On ne leur dit pas grand chose de la mauvaise qualité des soins qui apparaît clairement à la lecture du dossier médical (? case notes) et les femmes sont maintenues dans l'incertitude. Toutes les femmes ne se sentent pas prêtes à déposer une réclamation, certaines d'entre elles attendent pour cela de se sentir assez fortes, émotionnellement, pour faire face aux réponses ainsi qu'à une procédure alambiquée et souvent prolongée.

Certaines femmes déposent une réclamation en étant persuadées que l'équipe reconnaîtra le traitement abominable qu'elles ont enduré, de sorte qu'elles peuvent se trouver sous un état de choc et encore plus en détresse lorsque la réponse ne reconnaît pas la légitimité de leur plainte, se contentant d'un commentaire insipide du genre : « Nous sommes désolés d'apprendre que vous ayez perçu la qualité des soins en dessous du niveau de vos attentes ». En d'autres termes, vous avez commis l'erreur d'exiger des soins de qualité.

Déposer une réclamation formelle est une bonne manière de gérer le traumatisme, de comprendre ce qui s'est réellement passé, et pourquoi. Ce n'est pas donné à tout le monde, mais si vous décidez de déposer une réclamation en bonne et due forme voici quelques principes à prendre en compte :

  • Demandez à voir votre dossier médical (a copy of your case notes) avant de commencer à rédiger
  • Déposez toujours par écrit
  • Essayez de ne pas dépasser 4 pages
  • Écrivez au sommet de la hiérarchie - le Directeur de l'hôpital (Chief Executive)
  • Contactez l'_AIMS si vous ne savez pas bien comment procéder par la suite, et envoyez une copie de votre courrier à _AIMS pour qu'elle puisse avoir connaissance de la qualité des soins
  • Si vous n'êtes pas satisfaite de la réponse, envisagez un plus haut niveau, l'administrateur (ombudsman) par exemple
  • Si vous n'êtes pas satisfaite, vous pouvez laisser la lettre de côté en essayant d'oublier tout cela, ou bien vous pouvez écrire encore en pointant leur mauvaise pratique (the error of their way). De cette manière, votre lettre sera classée comme la plus récente dans le fichier, et s'ils prétendaient que personne ne s'est jamais plaint à propos du xxx, vous aurez la certitude qu'ils ne pourront plus jamais affirmer la même chose.
  • Écrivez un article à propos de votre expérience, demandez à _AIMS de le publier, ou envoyez-le à votre journal local.

Vous n'avez pas besoin de vous précipiter pour déposer une réclamation ; certaines femmes ont besoin d'un an ou deux pour se sentir à même de le faire, mais soyez prête à recevoir une réponse nettement moins que satisfaisante. Certaines femmes peuvent être encore plus traumatisées par leur attente d'une reconnaissance de la légitimité de leur plainte, lorsqu'elles s'aperçoivent que, subtilement - et parfois moins subtilement - on leur reproche encore plus ce qui leur est arrivé.

Toute femme doit envisager ce qu'elle estime de meilleur pour elle, et le soutien de cette décision est fondamental dans la manière dont l'_AIMS répond aux appels à l'aide. En définitive, le silence ne produit aucun changement, et même s'il peut n'apparaître que peu de changement, très souvent l'équipe a vraiment fait quelque chose mais elle ne vous en informera pas.

Sur un mur de mon bureau il y a ce poème :

>Lorsque les nazis sont venus\\chercher les communistes\\Je n'ai rien dit\\Je n'étais pas communiste.\\Lorsque ils sont venus\\chercher les socio-démocrates\\Je n'ai rien dit\\Je n'étais pas social-démocrate.\\Lorsque ils sont venus\\chercher les syndicalistes.\\Je n'ai rien dit\\Je n'étais pas syndicaliste\\Lorsque ils sont venus\\chercher les catholiques\\Je n'ai rien dit\\Je n'étais pas catholique.\\Lorsque ils sont venus\\chercher les juifs\\Je n'ai rien dit\\Je n'étais pas juif.\\Puis ils sont venus me chercher\\Et il ne restait plus personne\\pour protester.

Martin Niemöller (mort en camp de concentration)
(Texte complété par le traducteur)


Notes du traducteur

  1. En France, les réclamations doivent être adressées à la Commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (CRUQ) de l'établissement concerné. Toute réclamation transmise à la CRUQ entraîne en effet la saisine sous huit jours de cette commission, présidée par le directeur de l'établissement et composée de médecins « médiateurs », de représentants de l'administration de l'établissement et obligatoirement d'un représentant d'une association d'usagers agréée. Consulter :<br> Lettres ouvertes aux établissements de soins et professionnels de la périnatalité (AFAR)
  2. Pour plus d'informations sur la procédure au Royaume-Uni, voir un article du site de l'_AIMS